vendredi 20 septembre 2013

Biennale de Venise 2013 : un grand cru.

La Biennale de Venise 2013 a ouvert au public 88 pavillons nationaux avec, cette année, 10 nouveaux pays représentés.

Outre les pavillons installés dans les jardins et l'exposition de l'Arsenal, 47 autres événements sont répartis dans toute la ville.

La première exposition internationale d'art avait ouvert ses portes le 22 avril 1895.
C'est en 1897 que la manifestation prend le nom de Biennale et à partir de 1972 seulement qu'elle devient thématique et son premier titre est "Opera o comportamento", œuvre ou comportement.
Maria Louisa Taddei
Les "Giardini" constituent le noyau premier de la manifestation et abritent 28 pavillons nationaux qui sont la propriété des états qu'ils représentent.

La Biennale annexe les espaces historiques de l'Arsenal en 1999 et ne cesse à chaque nouvelle édition d'étendre ses tentacules à travers la ville, dans les palais et les musées, les églises, les appartements loués pour l'occasion, dans les petites îles de la lagune qui accueillent nouveaux pavillons nationaux ou événements collatéraux.

Pavillon du Brésil
Le parcours 2013 en ce qui concerne les participations nationales commence par les "Giardini" 28, l'Arsenal 24 et dans la ville 36. Quatre-vingt neuf participations avec cette année dix nouveaux venus, l'Angola, la Côte d'Ivoire, le Kosovo, le Koweit, les Maldives, les Bahamas, le Bahreïn, le Paraguay et les îles Tuvalu ou le Vatican.

Aux commandes de la 55ème édition de la Biennale de Venise, un nouveau et très jeune commissaire, l'italien Massimiliano Gioni.
Gioni a conçu un parcours très intellectuel avec un parti pris très affirmé.

Pavillon de l'Afrique du Sud
Il a choisi une approche en nous imposant sa vision de l'art. En partant du projet délirant de l'artiste autodidacte Auriti, il a appelé cette Biennale "Palais encyclopédique". Auriti voulait bâtir un énorme musée censé abriter la culture universelle. Gioni a tenté de faire une Biennale dont l'ambition est de résumer sa propre vision du monde. Gioni a construit une sorte de "chambre des merveilles" en y plaçant ce qu'il y a de merveilleux dans le monde. Gioni a beaucoup de talent et a réussi une Biennale très érudite.

Le projet d'Auriti
En prologue, le Livre rouge de Jung, dans lequel le fondateur de la psychologie a dessiné ses rêves et ses visions mystiques, donne le ton à l'accrochage. Autre axe important défendu par Giani, l'art brut des autodidactes voire des fous. 

Duane hanson

Duane hanson
Le pavillon grec expose les œuvres de l'artiste grec Stefanos Tsivopoulos. La crise l'amène à mettre en scène différents systèmes d'échanges, alternatifs à la monnaie. La révolte politique semble très naïve mais la mise en scène est très raffinée.

Le pavillon de l'Etat est un projet performatif de l'artiste italienne Maria Cristina Finucci. Il représente les débris de notre société de consommation. L'artiste projette ce phénomène dans le futur en espérant que l'œuvre ne devienne pas prophétique.

Au pavillon espagnol c'est le chaos ! La jeune artiste, Lara Almarcegui, a envahi l'espace central de 500 m3 de gravats.

Pawel Althamer
L'artiste israélien, Gilad Ratman inonde l'espace de sons et de vidéos dominés par un lancinant cri primal aux limites de l'assourdissant qui vient percer la pénombre des lieux. A première vue les distorsions peuvent être interprétées comme des difficultés spécifiques au pays suite à la guerre et à la violence. C'est principalement un questionnement libre et individuel qu'il propose en documentant un périple utopique.

Une pluie d'or accueille le public au pavillon russe, qui fournit des parapluies aux dames tandis que les messieurs doivent rester spectateurs, à genoux sur des prie-Dieu. Une installation de Vadim Zakharov auteur du mythe de Danaë, figurant un homme en costume élégant perché sur une poutre. Il mange des cacahuètes et jette les épluchures sur les visiteurs avec dédain.

Au pavillon suisse Valentin Carron expose des installations unies par un fil conducteur, un serpent à deux têtes en fer forgé qui passe de pièce en pièce.

Berlinde de Bruyckere
Dans le pavillon belge Berlinde de Bruyckere a installé, au sol, un arbre de cire gigantesque, comme un homme à terre, dont les extrémités sont enveloppées de linges, tels des moignons. Massif et sensuel...

Le pavillon du Saint-Siège est le fruit d'une longue réflexion engagée par le pape Paul VI.
Les trois artistes qui exposent sont déjà connus. Dans une esthétique proche de celle de Viola, le Studio Azzurro a créé une œuvre multimédia autour de la Création, activée par l'imposition des mains des visiteurs. Impressionnant et poétique.

Chez les Britanniques, un regard très critique de Jeremy Deller sur son pays, arrosé d'une tasse de thé.

Chez les Japonais (mention spéciale du jury) Koki Tanaka a filmé des actions collectives, comme autant de métaphores d'une nouvelle société à construire.

Invité à représenter la France au sein du pavillon allemand échangé cette année avec le pavillon français, l'artiste franco-albanais Anri Sala, 38 ans, a créé une installation vidéo remarquable et remarquée. Il a filmé les mains de deux pianistes, le Français Jean-Efflam Bavouzet et le Canadien Louis Lortie, jouant ce concerto avec l'Orchestre national de France, avec de légères variations de tempos. Les deux vidéos sont projetées simultanément sur deux écrans superposés dans une vaste chambre anaéchoïque, hérissée de cônes étouffant toute réverbération du son.

Pavillon de l'Indonésie
L'œil se laisse d'abord captiver par la course de ces 2 mains sur le clavier. Mais l'on comprend bien vite l'intensité d'une autre dimension. Le titre RAVEL joue sur le sens anglais des mots « ravel », emmêler. L’émotion est à son comble à chaque instant !

La démarche franco-allemande se révèle exemplaire. L’Allemagne, qui compte les plus grands artistes d'aujourd'hui, a invité des étrangers au pavillon français. A commencer par le dissident chinois Ai Weiwei, interdit d'exposition en son pays, qui signe un labyrinthe inquiétant de tabourets suspendus.

Ai Weiwei
On peut choisir le repli, à l'image de Petrit Halilaj, qui s'est bâti un nid de terre et de branchages dans le pavillon du Kosovo. Ou méditer devant la vanité créée chez les Chiliens par Alfredo Jaar. Un grand bassin d'où émerge, à intervalles réguliers, une maquette représentant tous les pavillons historiques dans les Giardini. Avant de s’évanouir à nouveau sous les eaux...

Alfredo Jaar
L'Argentine fait l'apologie d'Eva Peron avec l'œuvre de Nicolas Costantino. Quatre installations vidéo sophistiquées.

Mark Manders
A ne pas manquer les personnages de cire très dérangeants de l'américain Duane Hanson, Théa Djordjadze pour la Géorgie, Akram Zaatari pour le Liban, Jesper Just pour le Danemark, Joana Vasconcelos pour le Portugal...

Cependant, la visite à la Biennale de Venise est avant tout une histoire de découvertes et de coups de cœur.

2013 est un grand cru !

Simone Dibo-Cohen - Photos : Célia Mores

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