dimanche 12 juin 2016

Menton : les migrants sont rejetés à la mer.


Dans la nuit une barque a été rejetée à la mer. Cette barque qui s’intitulait « 6-ct-toi » avait été créée par le collectif d’artistes niçois KKF. Il s’agissait en fait d’une œuvre d’art exposée à Menton dans le cadre des expositions des soixante-dix ans de la fondation de l’Union Méditerranéenne pour l’Art Moderne, parrainée en son temps par Matisse et Bonnard. Elle était, avec d’autres sculptures, posée sur les pelouses des jardins Palmero, devant le musée Cocteau et face à la mer.

Les migrants à la frontière

Du fait de son emplacement elle exprimait le problème des migrants ; tout un symbole dans cette ville frontière. Lorsque les migrants s’étaient installés sur les rochers du poste-frontière Saint Ludovic, les médias en avaient fait tout un symbole et l’Etat avait alors envoyé des forces armées pour protéger ce passage et assurer l’apparence de l’autorité de l’Etat. Les politiques continuent à ressasser ce problème des migrants pour s’assurer d’un électorat peureux, mais bien utile en campagne électorale. En réalité la France est le pays qui va absorber le moins de migrants ; il en est prévu 30.000 au maximum.

On a fait alors de Menton, dans la presse, une ville envahie par les migrants, ce qui n’a jamais été le cas. En effet les migrants qui pouvaient monter dans le train en Italie, à Vintimille, ne descendaient pas à Menton, mais à Nice et même au-delà.

La barque de KKF

L’ONU vient d’annoncer que plus de 10.000 migrants sont morts en Méditerranée depuis 2014. Notre Mare Nostrum est devenue un cimetière. La semaine dernière 320 ont encore disparu lors d’un naufrage. KKF a créé une barque dont l’objectif était de faire prendre conscience de la situation sans pour autant être misérabiliste. Le navire, d’une finition parfaite, contenait les jambes des migrants en résine colorée et brillante. Si on se penchait sur la barque on voyait notre visage, au fond, se reflétant dans une glace : effectivement et si c’était nous dans cette barque ? C’était une véritable expression de l’errance humaine.

La bêtise humaine

La barque de KKF, comme le rapporte le procès-verbal de la police, faisait 3,20 mètres de long, pesait plus de 300 kilos et était vissée au sol. Des ilotes ont alors décidé, en pleine nuit, de la jeter à la mer après l’avoir en grande partie détruite sur les rochers ou sur la pelouse. Les courants vont la pousser vers Monaco, puis la ramènent en France, au large du port de Cap d’Ail où elle sera découverte.


Les imbéciles ont donc volé une œuvre d’art, puis l’ont détruite, puis l’ont jeté en mer. Xénophobes, raciste, fascistes, et bien sûr trouillards, poltrons et lâches pour avoir effectué cela en pleine nuit, ils ont commis là un acte qui ne se contente pas d’être répréhensible, mais un témoignage de la bêtise humaine.



Mais dans l’art, braver les conforts et les conformismes, les règles et les habitudes, la bienséance et la bien-pensance, c’est de l’audace et ce n’est pas sans conséquences. Faut-il fermer les yeux ou laisser aux artistes les moyens de s’exprimer ? KKF a pris le risque, mais les imbéciles qui ont détruit leur œuvre font d’eux des héros, et de leurs idées un symbole d’humanité.

Christian Gallo - © Le Ficanas ® - Photos Christian Gallo et KKF.

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